Quelques mots pour ouvrir la proposition – Presque rien / Carte blanche 2019 – Artothèque de Saint Cloud 

” Est venu le moment où… Il s’agit d’être claire, concise mais surtout sincère pour vous faire part du cheminement qui précède cette proposition. En classe de 5e, après avoir renseigné la profession de mes parents vient l’inévitable question quel métier souhaites-tu faire ? Je réponds de façon anodine mais évidente professeure d’arts plastiques. J’ai choisi d’éprouver les arts plastiques pendant toute ma scolarité et mes études. Sept années de faculté qui m’ont durablement et sensiblement marquées. J’ai eu la chance d’y rencontrer des personnalités qui m’ont appris que faire des arts plastiques c’est bien plus qu’un métier. C’est une façon de vivre, de regarder, d’être au monde pour reprendre les mots de MERLEAU PONTY. J’ai compris que faire des arts plastiques c’est s’emparer de la liberté d’ouvrir une discussion où tous les apports formels ou écrits sont considérés. J’ai fait miennes ces phrases d’Éric V. : Faites et après on verra ; Les arts plastiques c’est comme un hamburger : une couche de pratique, une couche de théorie et on prend du recul. Faire pour comprendre et comprendre pour faire. Cette nécessaire et féconde dualité qui fait toute la spécificité des arts plastiques m’a semblé fréquemment incomprise, voire niée quand je suis sortie de la faculté. Convaincue d’être une plasticienne, chercheuse-plasticienne , on me désigne comme artiste, peintre, professeure de dessin j’ai même entendu que les arts plastiques n’étaient autre qu’une insignifiante invention de l’Éducation Nationale. Parce qu’être juste contrariée par toutes ces approximations et ces dépréciations n’était en aucun cas porteur j’ai décidé de réengager une recherche plasticienne. Une recherche vivante, qui s’émancipe des murs d’une bibliothèque universitaire et où chaque personne curieuse pourra être considérée comme un partenaire. Une discussion confuse dans laquelle on appelait œuvre d’art une reproduction d’un KLIMT imprimée sur toile cirée et vendue chez IKEA a inauguré cette recherche. J’ai décidé de faire des arts plastiques en sondant la perméabilité entre les arts plastiques, la décoration et l’illustration. Je me suis fixée comme objectif d’interroger cette fréquente confusion en provoquant la co-fusion afin de sonder la limite entre ces différents domaines. Je cherche à jouer plastiquement avec ce possible basculement. Je veux mettre en évidence, prendre à bras le corps certains clichés pour les traduire en images-objets sensibles et signifiants. Je suis captivée par ce presque rien qui fait qu’un objet est considéré comme œuvre où ne l’est pas. Problématique sans cesse réactivée dans cette relation passionnée que j’entretiens avec la création contemporaine. Plus les créateurs sont inclassables plus ils me fascinent.Une recherche plasticienne n’a réellement de sens qu’à condition qu’elle soit soutenue et collectivement partagée. Un emprunt à l’artothèque permet-il de combler un vide au dessus de son canapé ou s’apparente-t-il à une marque de soutien de envers la création contemporaine ? Vous dire que l’artothèque m’a soutenu serait juste mais réducteur. C’est parce qu’Aurélie est audacieuse et perfectionniste, c’est grâce à sa précieuse confiance et son professionnalisme que ce projet a réellement pris forme. Formidable carte blanche : tout est superbement possible, tout commence! Nous avons été particulièrement attentives au dispositif de présentation. L’ensemble de cette production plastique peut être considéré comme une installation. Nous avons cherché à installer matériellement un doute chez le regardeur pour le convier à cette réflexion en-cours-de-progression. Cette mise en espace met en exergue un répertoire de formes support d’une pensée inlassablement remodelée, précisée. Certaines de ces formes ainsi qu’une carte blanche vous ont été proposées. Invitation au faire, point de départ de nouvelles collaborations. Fantasme de vivre autant d’expériences fascinantes que Sophie CALLE je me réapproprie ce soir sa génialissime question en vous demandant où pourriez-vous m‘emmener ? J’attends avec impatience vos propositions. “

jhv